Belliard

« Il n’y eut bientôt plus personne sur les trottoirs. Ce n’était pourtant pas une ville déserte, il avait vu le monde au Midi, le grouillement rassurant des gares dans une vraie ville, puis les terrasses bondées des grands cafés marocains, mais au-delà de la rue du Trône, depuis son entrée dans le quartier européen, le piéton devenait une denrée rare, vaguement menacée.

Du logement dans les formes du passé pour le quartier européen » avait-il scandé avec les manifestants dans les années 80. Ils étaient persuadés, comme tant d’autres à Bruxelles, que le salut de la ville passerait par le retour aux formes anciennes, à cette bonne vieille cité d’antan, tellement mal-menée par le modernisme : ce qui était ancien était crédible, rôdé par l’histoire, donc bon. La ville rejetait les expérimentations morphologiques, les nouveautés, elle voulait des quartiers, elle voulait des îlots, elle voulait des maisons. Et pour cela, les recettes étaient simples : alignement, fermeture d’îlot, continuité typologique, respect des modèles anciens. Même les gauchistes, les plus libertaires, croyaient en ces slogans, sans se douter qu’alignement peut signifier ordre, fermeture enfermement, continuité tradition, et respect autorité. »

 

Publié aux éditions « Foure-tout »